Du 30 novembre au 11 décembre, a lieu la COP21, énième sommet international sur le climat. 20 000 chefs d’état, fonctionnaires internationaux, industriels, lobbyers vont y prendre leurs habits de justiciers climatiques, protégés par quelques milliers de policiers ONUsiens et Français.
Le spectre du réchauffement climatique est un leurre. La véritable catastrophe écologique n’est pas située dans un futur abstrait mais inscrite au cœur de nos quotidiens. Aucune solution « experte », aucun travestissement « durable » du système productif et économique n’y changera quelque chose. Que des technocrates se réunissent dans un aéroport d’affaires pour décider du sort de la planète marque bien la prétention d’un monde à « gérer » l’intégralité de nos vies. S’opposer à la COP21, c’est se donner la possibilité de reprendre en main nos conditions d’existence, politiser la question écologique loin des cabinets d’experts, percer à jour la volonté de gouverner toute l’étendue du vivant.
Les dirigeants eux-même admettent que ce sommet, dans la continuité de Copenhague, sera une mascarade. Rien de très étonnant. On ne s’attendait pas à ce que les premiers responsables du ravage des écosystèmes reviennent subitement sur leurs pas. Cette fois-ci le cynisme est poussé très loin puisque la COP21 est sponsorisée par EDF qui en profite pour vendre son nucléaire « propre ». La Coalition Climat 21 sensée incarner la « société civile » vient clore la farce : elle n’existe que pour donner une caution citoyenne aux non-décisions prises à la COP21. L’opération revient à brouiller les pistes, en pilotant une pseudo-contestation pour prévenir toute opposition consistante. Nous ne sommes pas dupes, et voyons notamment que cibler la seule hypocrisie des gouvernants – comme si l’on attendait encore qu’ils prennent au sérieux la question de l’écologie – ne suffit pas. Car plus qu’une simple affaire d’intérêts politiciens, ce sommet est une opération de police mondiale. En effet, quand les apologistes de la COP21 – la presse de gauche en première ligne – glosent sur une fin prochaine de la civilisation ou un autre cataclysme imminent, il s’agit bien d’une technique de gouvernement. Cette menace que l’on repousse à l’infini rentre dans une logique de mobilisation générale et de mise au pas des populations. L’enjeu politique est sur l’instant, de rediriger les inquiétudes collectives pour neutraliser en elles tout potentiel de rupture. Cette terreur distillée par la COP21 prend la forme d’une injonction au repentir individuel (le refrain inquisiteur du « petit-geste-qui-sauve-la-planète ») ou citoyen comme s’il nous revenait de sauver ce monde sous un vague vernis « écolo ». Tout comme la mobilisation « Je suis Charlie » a servi à occulter le fait brûlant que ce monde fabrique des millions de Kouachi potentiels, individus dépressifs, nihilistes prêts à tout pour donner un sens à leur vie, la binôme COP21/Coalition 21 cherche à ce que, pris dans l’urgence, nous ne voyions pas que le désastre écologique n’est pas en instance, qu’il est déjà là et que son périmètre dépasse la simple donnée abstraite du changement climatique. On n’étouffe pas que de l’air pollué.
Car non seulement ces pseudo-solutions et leur pseudo-contestation sont de la poudre aux yeux, mais la façon-même de les formuler fait partie intégrante du problème. Mesurer la transition climatique, calculer le rythme de la fonte des glaces revient toujours à défendre la même approche gestionnaire du vivant consistant à penser l’homme arraché de son milieu naturel pour qu’il s’y rapporte selon un rapport technique et scientifique soumis aux impératifs de croissance. L’urbanisme, même « écologique », consiste à délier tout attachement organique à un territoire pour en faire un espace aseptisé, consacré à la circulation des flux et à la consommation. Nous refusons cette vision désastreuse du vivant, portée par l’époque et étalée lors de la COP21. Car prendre au sérieux la question écologique signifie plutôt pour nous : se fonder sur son expérience quotidienne et sensible, penser l’écologie à une échelle plus locale, accorder une attention poussée aux rapports que tissent nos existences communes avec les territoires où nous vivons. Aussi, la COP21 est le moment opportun pour affirmer et tenir une position antagoniste sur l’écologie. Dans le processus-même de la lutte contre ce sommet qui prétend borner un peu plus l’horizon des possibles, réside la possibilité d’élaborer NOS mondes.
La situation exige donc d’opposer une résistance matérielle à la COP21 et se donner les moyens d’entraver le bon déroulement du sommet. Ce n’est pas à coup de pétitions Avaaz pour le rééquilibrage du marché des crédits carbone, de défilés « Bastille-Répu » bien sages ou de bulletins de vote EELV – autant de signes d’une même impuissance politique – que nous violenterons le cours des choses. Nous n’aurons que ce que nous saurons prendre, sur la base d’un rapport de forces. Il ne faut pas se contenter de la diffusion d’une critique de la COP21 – même « radicale » – chose permise sous le régime de la « liberté d’expression » qui autorise à tout critiquer tant que ça n’appelle pas à conséquence. Ici, l’enjeu est de relier la pensée et les actes et assumer notre propre légitimité politique.
Ce monde perdure car il a aboli l’idée-même que l’on puisse en finir pratiquement avec lui, en masquant ses points de vulnérabilité, alors que les flux peuvent être bloqués facilement. Le mouvement des retraites en 2009 a montré qu’un blocus des raffineries était infiniment plus menaçant pour le pouvoir que 300 000 personnes qui geignent sur les boulevards de la capitale. Si quelques centaines de personnes suffisent à paralyser l’économie d’un pays, saboter un sommet international pourrait presque paraître chose aisée… L’expérience de la ZAD de Notre-Dame-des-Landes montre que quelques centaines de personnes organisées peuvent arracher un territoire à la République, y expérimenter d’autres formes de vie tout en repoussant plusieurs assauts policiers.
La COP21, grand-messe du capitalisme vert n’est pas le sommet de la « dernière chance ». Nous ne succombons pas aux sirènes alarmistes des gouvernants mais prenons acte que la catastrophe est déjà là. Celle-ci ne se décrit pas avec des chiffres, des statistiques car elle est affaire de sensibilité. Il est de notre droit le plus intime de reprendre aux institutions ce qui nous a été spolié : nos conditions d’existence. Partant de ce constat, il ne nous faut plus réclamer, suggérer, revendiquer mais nous donner les moyens de vivre autrement maintenant et opposer une autre idée du politique, indistincte de la vie. La COP21 est l’occasion de faire apparaître cette conflictualité et de l’habiter. Rendons visible le pouvoir comme infrastructure matérielle, bloquons tout : lycées, facultés, routes. Faisons de Paris notre aire de jeu. Trouvons des lieux pour s’organiser et manifester notre haine dans la plus grande des joies. Voici déjà quelques moments ou nous pourrons nous retrouver. D’autres suivront.
Jeudi et vendredi 26-27 novembre – 3-4 décembre – Blocus et manifs lycéennes/étudiantes (départ Nation – 11h)
Samedi 28 novembre – Arrivée de la marche des ZADs à Paris http://marchesurlacop.noblogs.org/
Dimanche 29 novembre – Manifestation à PARIS
8-12 décembre – Semaine d’actions à PARIS